Chère enfant, Chère enfant. Je veux te dire. Je veux te dire l’âme, l’insaisissable, le temps, le camélia sur mousse, l’équilibre, l’altérité, l’inessentiel et les toujours de vivre. Je veux te dire. Je te laisse relire ces passages de l’élégance du hérisson. Je te souhaite la tendresse à chaque instant. Soa.
Et voici pour lire….
De l’âme
Quand maman pulvérise de l’eau sur les feuilles des plantes, je vois bien l’espoir qui l’anime. Elle pense que c’est une sorte de baume qui va pénétrer dans la plante et qui va lui apporter ce dont elle a besoin pour prospérer. C’est comme ça que maman voit la vie : une succession d’actes conjuratoires, aussi inefficaces qu’un coup de pschitt, qui donnent l’illusion brève de la sécurité.
Ce serait tellement mieux si on partageait ensemble notre insécurité, si on mettait tous ensemble à l’intérieur de nous-mêmes pour se dire que les haricots verts et la vitamine C, même s’ils nourrissent la bête, ne sauvent pas la vie et ne sustentent pas l’âme.
Apprivoiser l’insaisissable
Le rituel du thé, cette reconduction précise des mêmes gestes et de la même dégustation, cette accession à des sensations simples, authentiques et raffinées, cette licence donnée à chacun, à peu de frais, de devenir aristocrate du goût parce que le thé est la boisson des riches comme celle des pauvres, le rituel du thé donc, a cette vertu extraordinaire d’introduire dans l’absurdité de nos vies une brèche d’harmonie sereine. Oui, l’univers conspire à la vacuité, les âmes perdues pleurent la beauté, l’insignifiance nous encercle. Alors, buvons une tasse de thé. Le silence se fait, on entend le vent qui souffle au-dehors, les feuilles d’automne bruissent et s’envolent, le chat dort dans une chaude lumière. Et dans chaque gorgés, se sublime le temps.
Que faisons-nous le matin ? […]. Thé et manga contre café et journal : l’élégance et l’enchantement contre la triste agressivité des jeux de pouvoir adultes.
Malgré le temps
La vraie nouveauté, c’est ce qui ne vieillit pas, malgré le temps.
Des camélias sur mousse
La Civilisation, c’est la violence maîtrisée, la victoire toujours inachevée sur l’agressivité du primate. Car primates nous fûmes, primates nous restons, quelque camélia sur mousse dont nous apprenions à jouir. C’est là toute la fonction de l’éducation. Qu’est-ce qu’éduquer ? C’est proposer inlassablement des camélias sur mousse comme dérivatifs à la pulsion de l’espèce, parce qu’elle ne cesse jamais et menace continuellement le fragile équilibre de la survie.
Équilibre aussi
Quand je pense au go…Un jeu dont le but est de construire du territoire, c’est forcément beau. Il peut y avoir des phases de combat mais elles ne sont que des moyens au service de la fin, faire vivre ses territoires. Une des plus belles réussites au jeu de go, c’est qu’il prouvé que, pour gagner, il faut vivre mais aussi laisser vivre l’autre. Celui qui est trop avide perd la partie : c’est un subtil jeu d’équilibre où il faut réaliser l’avantage sans écraser l’autre.
Un pas d’éternité
Et se dire que c’est maintenant qui importe : construire, maintenant, quelque chose, à tout prix, de toutes ses forces. […] Gravir pas à pas son Everest à soi et le faire de telle sorte que chaque pas soit un peu d’éternité. Le futur, ça sert à ça : à construire le présent avec des vrais projets de vivant.
De l’altérité
Nous ne voyons jamais au delà de nos certitudes et, plus grave encore, nous avons renoncé à la rencontre, nous ne faisons que nous rencontrer nous-mêmes sans nous reconnaître dans ces miroirs permanents. […] Moi, je supplie le sort de m’accorder la chance de voir au-delà de moi-même et de rencontrer quelqu’un.
Traquer l’inessentiel
Ceux qui, comme moi, sont inspirés par la grandeur des petites choses, la traquent jusqu’au cœur de l’inessentiel, là où, parée de vêtements quotidiens, elle jaillit d’un certain ordonnancement des choses ordinaires et de la certitude que c’est comme cela doit être, de la conviction que c’est bien ainsi.
Et vivre toujours
Je me dis que finalement, c’est peut-être ça la vie : beaucoup de désespoir mais aussi quelques moments de beauté où le temps n’est plus le même. C’est comme si les notes de musique faisaient un genre de parenthèse dans le temps, de suspension, un ailleurs ici même, un toujours dans le jamais. Oui c’est ça, un toujours dans le jamais.[…]. La beauté dans ce monde.